CHAPITRE 2 : L'EAU

Ce paradoxe d’un Puits actuellement dépourvu de tout point d’eau naturel a déjà été souligné dans l’article consacré au nom du village. Il confère une importance toute particulière aux microtoponymes qui évoquent l’eau.

* 5 : Le Buisson à l’eau - C3. A Crance ajoute “Le Bas du Buisson à l’Eau” (5 bis/C3).
Peut-on retenir l’hypothèse qu’un point d’eau a jadis existé à l’ombre du buisson ?
Etait-ce le Buisson où on mettait l’eau à l’ombre ?
Peut-on évoquer une déformation par les agents du cadastre du mot l‘Haizeau comme le signale G. Loberot pour Huilliécourt ? L’haizeau c’est la haie, de l’ancien français haise, forme issue du germanique heisi, ainsi que le note J. Baehschmidt.
Ce serait peut-être aller un peu loin que d’y voir une déformation de la haie au loup, au “ leu ”.
* 47 : Fontenailles - A5. Crance indique “ les Fontenailes ”. La racine fons, source, fontaine est évidente, le bas latin fontana encore plus proche, son dérivé fontanalia (fontanile) encore plus satisfaisant.
Actuellement ce terrain ne comporte aucun point d’eau mais, non loin, le long de la route vers Chaumont on trouve les Fontenailles, une source sur laquelle nous reviendrons.

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Les Marchats

* 63 Le Marchat du Chemin d’Esnouveaux - C4
* 64 : Le Marchat du. Haut du Fays - B5
* 65 : La Plaine des trois marchats - B6
L’étymologie classique évoque une racine germanique maresc ou marisk, une forme celtique controversée marcasio ou marcasion, continuée par le gallo-roman marcasium latinisé au Moyen-âge en Marchesium. Tout cela avec le sens de marais, marécage, mare boueuse voire simple flaque.
J. Bachschmidt note la forme de l’ancien français marchais prononcé marcha dans la Hte Marne, avec une orthographe incorrecte marchat.
G. Taverdet signale que marchais (et donc marchat) a pu désigner non seulement la mare mais tout le terrain qui l’entoure d’où l’extension à tout un lieu-dit.
Ph. Barral évoque une racine prélatine mark, un dérivé sans doute gaulois marcasium, un celtique marco latinisé en marcaciu, sans préjudice du germanique marisk.
G. Loberot rappelle qu’au Puits-des-Mèzes les terres de l’ancienne métairie “s’étendaient dans la contrée basse au sol assez profond et fertile, parsemé de marchats (petites mares) où s’amassait l’eau des pluies et où allait s’abreuver le bétail”. Il cite les “marchats que nous avons notés et signale qu’ils ont été asséchés”.
Une certitude, dans la Hte Marne le mot marchat désigne une petite mare boueuse au creux d’une dépression du terrain.
Ph. Barral évoque un fond humide dans un bois, un lieu bourbeux, une soue.
G. Taverdet note le sens moderne de bauge de sanglier.
Or, au Puits-des-Mèzes, où les machats étaient assez nombreux dans les bois, les habitants avaient tendance à lier leur existence à l’activité des sangliers. D’une part ils constataient que les marchats servaient aux sangliers d’abreuvoirs et de bauges. De l’autre ils pensaient que les sangliers entretenaient voire créaient les marchats en piétinant la terre humide, en en imperméabilisant le fond, en le “ cirant ” lorsqu’ils s’y vautraient. De là s’était cristallisée dans l’esprit de certains une relation, de type vraisemblablement phonétique, entre marcher et marchat. C’est en marchant, en piétinant que les sangliers faisaient le marchat.
De fait on m’a assuré en 1988 que les marchats ont disparu dans les bois depuis que les sangliers ont déserté le finage. La sécheresse a certes jouée son rôle dans cette évolution.
Pour expliquer l’origine des dépressions où s’amassait l’eau pluviale peut-être pourrait-on procéder par analogie avec l’analyse d’un mot voisin, la mardelle. Il n’apparaît pas au Puits-des-Mèzes mais J. Bachschmidt note “aux merdelles” à Condes et évoque la possibilité “d’une déformation de mardelle, excavation naturelle ou artificielle”.
F. Godefroy définit la mardelle comme un “enfoncement boisé”. P. Fénelon y voit un silo soutenant une maison enfoncée en terre mais évoque aussi les cavernes que les karstologues décrivent comme de petites dolines.
Th. Pistollet de St. Ferjeux signale Que les mardelles de la Hte Marne ne sont pas des vestiges d’habitations celtiques ou gallo-romaines mais les habitations d’hiver des peuples qui ont envahi la Gaule en suivant les voies romaines. Par souci de protection contre le froid elles avaient été établies sur un sol imperméable à l’eau d’où la transformation en mares. Le fonds Mugnier Maîtrier revient sur l’étymologie du bas-latin “ marderellae ” dans le sens de latrines d’où l’ancien français merderet, merdat qui désigne les résidus de la hutte gauloise.
Il précise aussi que les mardelles sont, en langue populaire “de petites mares boueuses où viennent patauger les sangliers” et qu’on les “trouve surtout dans les bois où le nivellement ne s’est pas fait comme dans la plaine”. Ainsi s’établit, dans ce rapport avec les sangliers, la liaison entre mardelle et marchat.
Pour expliquer la formation des dépressions où se sont installées les mares boueuses revenons à l’hypothèse de P. Fénelon “petites dolines”.
Lorsqu’il étudie l’action du ruissellement des eaux sur les terrains perméables (calcaire, craie ) le géographe E. de Martonne signale la présence d’avens (puits conduisant à un réseau souterrain de cavernes) en Champagne, dans la forêt d‘Othe où on les appelle bétoires ou mardelles.
Rappelons le processus de l’érosion karstique : Les eaux s’infiltrent dans le sol perméable, le minent, le fissurent, la surface s’effondre et il se forme ainsi une dépression que l’on nomme doline on Carniole, sotch dans les Causses et mardelle en Champagne. Dans le fond de la doline vient s’accumuler l’argile provenant de la décomposition du calcaire. Cet argile est imperméable d’où la formation d’une mare au creux de la dépression, elle est fertile donc propice aux cultures. La petite mare s’appelle lavogne sur les Causses du Massif Central. N’est-ce pas le marchat haut-marnais ?
Lorsque G. Loberot cite le sol profond et fertile et les marchats de la Saison de “par La Bas” ne semble-t-il pas évoquer un système de dolines ?
Laissons aux géographes le soin de préciser le stade de l’évolution du processus d’érosion mais il peut sembler qu’au Puits-des-Mèzes la métairie initiale se soit installée sur un ensemble de dolines et que les marchats qui parsèment les bois constituent des embryons de dolines. Certaines combes de forme circulaire pourraient aussi s’analyser comme des dolines en formation.

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